Le traitement personnel du patient doit être pris en compte dès l’entrée en hospitalisation. Il convient d’expliquer au patient la nécessité de ne pas prendre de médicament de sa propre initiative sans en informer l’équipe médicale. La coopération et l’implication du patient dans ses soins s’avèrent ici très importantes.
Monsieur F., 82 ans, est hospitalisé en service de chirurgie orthopédique pour une prothèse totale de hanche.
Il consulte un chirurgien orthopédiste sur la recommandation de son médecin traitant pour un avis spécialisé : il souffre depuis plusieurs mois de sa hanche dans un contexte de coxarthrose évoluée.
Le tableau douloureux, de plus en plus intense, provoque une limitation du périmètre de marche. Le traitement antalgique instauré par le médecin traitant ne suffit plus pour permettre une qualité de vie quotidienne acceptable.
L’examen clinique et l’imagerie médicale prescrite par le médecin traitant confirment la possibilité d’un traitement chirurgical.
Le chirurgien propose la mise en place d’une prothèse totale de hanche (PTH), à couple de frottement céramique-polyéthylène.
Monsieur F. habitant à plus de 50 km de la structure de soins où exerce le praticien, une hospitalisation complète de 3 jours est proposée au patient qui l’accepte. Cette solution permettra également un premier apprentissage de déambulation avec béquilles et un contrôle optimal de l’analgésie post-opératoire.
La consultation d’anesthésie ne met en évidence aucune contre-indication formelle à la réalisation d’une anesthésie générale, technique retenue pour l’opération. Le médecin anesthésiste réanimateur (MAR) a seulement noté comme antécédent médical une hypertension artérielle (HTA) traitée par Cardensiel® 7,5 mg par jour, une prise le matin. Ce traitement est instauré depuis 4 ans, avec des constantes tensionnelles équilibrées.
Le patient entre dans l’établissement au jour prévu, et bénéficie de l’intervention chirurgicale convenue sans aucun problème.
Les suites opératoires sont simples les 2 premiers jours. Le matin du 3e jour, le patient se plaint à l’aide-soignant d’être fatigué, et d’avoir une sensation de vertige… Lors de la prise des constantes du tour de soins du matin, l’infirmière (IDE) trouve une fréquence cardiaque à 42 bpm et une tension artérielle à 85/50 mm de Hg.
Le MAR prévenu passe voir le patient. Il consulte le dossier médical, examine le patient et l’interroge : Mr F. décrit également quelques troubles digestifs à type de nausées-vomissements associés à des douleurs abdominales. Au vu du tableau clinique, le praticien suspecte un surdosage en bétabloquants ou un effet indésirable lié au néfopam® (antalgique de palier 2). Il demande à l’équipe paramédicale un ECG en urgence pour écarter un trouble de la conduction auriculoventriculaire. L’ECG confirme la bradycardie sans autre signe électrocardiographique.
Il vérifie avec l’équipe paramédicale le pilulier du patient, et ne constate aucune erreur : bon médicament - bon dosage.
Ne comprenant pas le tableau clinique, il retourne voir le patient et lui demande quel traitement il prenait avant l’intervention. Lors de la discussion, le patient lui précise qu’il prend tous les matins un comprimé de Cardensiel® car son médecin traitant lui avait expliqué l’importance de prendre ce traitement à heure régulière sans interruption. Le médecin lui demande s’il le prend encore depuis qu’il est entré dans le service. Le patient lui répond par l’affirmative, car il avait remarqué que son comprimé ne lui était pas donné le matin… et comme il ne voulait pas déranger…
Avec son autorisation, l’examen de sa table de chevet montre la présence d’une boite de Cardensiel® non signalée au personnel soignant malgré les questions posées lors de son entretien d’accueil. Il confirme qu’il prend un comprimé tous les matins comme à la maison…
La prise doublée de bétabloquants depuis 3 jours est donc confirmée. Le tableau clinique inquiétant le MAR, la situation est expliquée au patient, et il lui est précisé qu’il était prudent de débuter une surveillance en secteur spécialisé pour anticiper toute problématique. Le patient ne s’oppose pas à cette décision.
A son arrivée en Unité de Surveillance Continue (USC), il bénéficie immédiatement d’une surveillance cardiovasculaire. Le traitement a été arrêté et aucune autre manifestation cardiovasculaire n’a été observée. Le patient rejoint le secteur d’hospitalisation d’orthopédie après 48 heures passées en USC. Une reprise progressive du traitement a pu être initiée jusqu’à retrouver une stabilité tensionnelle.
L’équipe médico-chirurgicale estimant que la fonction cardiovasculaire s’est normalisée, Monsieur F. a pu être transféré en service de rééducation.
Cet incident a eu comme conséquences :
Le responsable des services de chirurgie orthopédique et d’anesthésie, et la cadre de santé demandent au service Qualité – Gestion des Risques de réaliser une analyse de cet incident.
L’objectif de ce retour d’expérience est de comprendre les mécanismes constitutifs de l’événement et d’éviter que cela ne se reproduise dans l’avenir.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée. La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue. |
En résumé : ce qu’il faut retenir
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L’analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux et paramédicaux à réfléchir sur les points suivants :
Les 3 axes d’amélioration préconisés par le groupe de travail ont également été retenus par les équipes du service, à savoir :
Un focus collectif sur le circuit du médicament est aujourd’hui nécessaire dans les actions de prévention à développer. La mise sous séquestre des traitements personnels des patients, la notion de médicaments à risques doivent être intégrées de manière systématique…
Il convient de s’interroger pour trouver les solutions adaptées pour éviter ces EIG.
Rendre le malade acteur de sa prise en charge est aussi une piste possible à explorer…