Choc anaphylactique lié à une allergie croisée en maternité

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Choc anaphylactique lié à une allergie croisée en maternité

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  • Une femme hospitalisée prend son repas - La Prévention Médicale

Le choc anaphylactique est la manifestation la plus sévère de l'allergie ; dans 60 % des cas, une allergie alimentaire en est responsable. Du fait de la possibilité d'allergies croisées, la vigilance est de mise lorsqu'une patiente allergique connue est hospitalisée en maternité.

Auteur : Candice LHAUTE – Sage-femme / MAJ : 03/07/2023

Présentation du contexte

Mme G. est une 3e pare de 33 ans à J2 de son accouchement. Elle n'a pas d'antécédents médicaux ni chirurgicaux particuliers, mais signale avoir récemment découvert une allergie au latex (réaction type urticaire géant). Elle a déjà accouché deux fois par voie basse, à terme, d'enfants en bonne santé et de poids normaux.

Pour cette 3e grossesse, le suivi a été sans particularité, le travail a commencé spontanément à 39 SA+3j, l'accouchement a lieu à 16 h par voie basse. Un petit garçon de 3500 g naît, d'Apgar 10/10. Le post-partum immédiat se déroule sans encombre et la patiente regagne sa chambre en maternité vers 18 h 30. 

L'agent de service hospitalier (ASH) accueille la patiente à son arrivée car c'est l'heure du repas : la patiente ne décrit pas de régime alimentaire particulier. Rien n'est mentionné dans le dossier médical de la patiente. L'ASH délivre alors à 18 h 45 un plateau repas composé d'une salade verte, d'une cuisse de poulet avec du riz, d'un yaourt et de 2 kiwis.

À 19 h 15, la patiente sonne : la sage-femme du service se rend dans sa chambre, la patiente lui signale des douleurs au ventre "comme des contractions" et une sensation de picotement dans la gorge. La sage-femme réalise un examen clinique qui est normal, l'utérus est tonique et douloureux à l'expression, les saignements sont physiologiques ; elle va chercher le tensiomètre : la pression artérielle est à 110/58, le pouls à 100. 

La sage-femme propose à la patiente d'aller lui chercher des antalgiques, la patiente accepte. Après avoir été chercher 1 comprimé de paracétamol et 50 mg de kétoprofène, la sage-femme revient dans la chambre, la patiente est plus pâle, décrit une sensation de gonflement dans la gorge avec une impression de difficulté à respirer : la PA est alors à 85/45 le pouls à 120.

La sage-femme allonge alors immédiatement la patiente sur son lit et appelle l'anesthésiste-réanimateur (ARE) en urgence. La patiente n'arrive alors plus à parler et porte ses mains à la gorge. 

Dans le même temps, voyant que la PA continue de chuter (70/40), elle demande à une collègue d'apporter le chariot d'urgence dans la chambre. L'ARE arrive rapidement, la sage-femme lui relate les symptômes de la patiente et son allergie au latex ; elle transmet aussi que la patiente vient de manger et aperçoit les kiwis évidés sur le plateau.

L’équipe comprend alors que la patiente est en choc anaphylactique

L'administration par voie veineuse d'adrénaline combinée à des antihistaminiques, une oxygénation adéquate grâce à un masque facial à haute concentration et un remplissage vasculaire par cristalloïdes isotoniques améliorent rapidement les symptômes de la patiente, la PA remontera à 100/70.

L'anesthésiste demandera un transfert pour la nuit en USC se trouvant sur un site différent pour poursuivre la surveillance de la patiente.

Elle regagne sa chambre en maternité le lendemain soir et sort 48 heures plus tard avec des tests à faire chez un allergologue.

Les conséquences

  • Un choc anaphylactique probablement causé par une allergie croisée latex/kiwi.
  • Un stress pour l'équipe qui ne prend pas souvent en charge de choc anaphylactique.
  • Un séjour en USC pour la patiente et une séparation de 24 heures d'avec son nouveau-né.

Analyse et méthodologie

L'équipe médicale et les cadres du service ont souhaité une analyse de cet EI dans le cadre d'une démarche de gestion des risques. Une analyse de risque a posteriori est donc réalisée.

Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge. La méthode ALARM est retenue.

Cause immédiate

Choc anaphylactique dans un contexte d'allergie croisée kiwi/latex.

Causes profondes

Barrière qui a détecté l'incident

  • Atténuation : prise en charge du choc anaphylactique par l'ARE et la SF

Barrière qui n'a pas fonctionné et a permis l'incident

  • Prévention : patiente allergique connue au latex mais non explorée, pas de méfiance sur les allergies croisées (difficile à évaluer en pratique quotidienne)

Barrières qui ont permis de récupérer l'incident

  • Récupération : réaction immédiate de la SF qui appelle l'ARE en urgence
  • Récupération : présence de l'ARE sur place 24h/24 et dédié à la maternité
  • Récupération : matériel d'urgence et de réanimation disponible dans chaque service et localisation connue de tous les personnels (médicaux, paramédicaux, ASH..)

Pistes de réflexion et d'amélioration

  • Rappels réguliers obligatoires pour tous les personnels des numéros d'urgence, contenus et localisation des chariots d'urgence.
  • Rappel de l'équipe d'anesthésie lors d'un staff sur le choc anaphylactique : rappels sur signes cliniques, biologiques et la prise en charge car événement rare.
  • Amélioration du logiciel de restauration avec notifications des allergies et régimes spéciaux des patientes, alerte vigilance déclenchée sur certains aliments en fonction des données entrées (acariens > crustacés, latex > kiwi, avocat, banane etc.). 
     

Voir "Les principaux types d'allergies croisées" sur le site ALK.fr

Conclusion

Le choc anaphylactique est une urgence médicale absolue : la prise en charge doit donc être extrêmement rapide et adaptée, encore faut-il reconnaître les signes cliniques dans un contexte pas toujours évident.

La formation régulière de tous les agents de la prise en charge hospitalière est alors essentielle, ainsi que la présence de réanimateurs sur place et de matériel d'urgence accessible facilement.