La dystocie des épaules est une urgence obstétricale non prévisible. Elle est définie par le recours à des manœuvres obstétricales autres que la traction douce de la tête ou la manœuvre de restitution pour dégager les épaules fœtales et complique 0,5 à 1 % des accouchements par voie basse (RPC du CNGOF). Ses facteurs de risque principaux sont l’antécédent de dystocie des épaules et la macrosomie fœtale : la connaissance des manœuvres obstétricales, l'entraide et la coopération entre les différents professionnels de la salle de naissance sont essentielles dans la prise en charge de ces accouchements.
Madame B. est une seconde pare de 35 ans. Elle a déjà accouché 3 ans auparavant, à terme, d’un enfant de 3,9 kg : il est noté dans le dossier que l’accouchement s’est compliqué d’une difficulté aux épaules réduite par la manœuvre de Wood inversé après échec de position Mac Roberts associée à une pression sus-pubienne. L’enfant va bien et ne garde aucune séquelle de l’accouchement.
Mme B. n’a pas d’antécédents médicaux ou chirurgicaux autres, on note un IMC à 30 en début de grossesse.
Le suivi de grossesse est sans particularité, l’échographie du 3e trimestre montre un fœtus au 92e percentile sans diabète gestationnel associé ; une échographie de contrôle de la croissance est programmée à 36 SA. Cette dernière échographie montre un fœtus macrosome au 93e p (poids estimé à terme 4,5kg). Le gynécologue réalisant le suivi de grossesse pose l’indication d’un déclenchement pour suspicion de macrosomie fœtale à 39 SA. Le risque de récidive d’une difficulté, voire dystocie aux épaules, est noté dans le dossier de la patiente.
A 38 SA+4j, la patiente se présente aux urgences pour une rupture spontanée de la poche des eaux. Le monitoring mis en place par la sage-femme montre un rythme cardiaque fœtal normal (RCF) avec 3 contractions (CU) par 10 minutes. Le col est centré, effacé, dilaté à 3 cm ; le diagnostic de début de travail est posé, la patiente commence à être algique et demande la pose d’une analgésie péridurale (APD).
L’anesthésiste n’est pas immédiatement disponible car occupé sur une césarienne en urgence au bloc opératoire ; la patiente en est avisée. Le travail de Mme B. progresse rapidement, moins d’une heure après le col est dilaté à 9 cm : l’anesthésiste, alors disponible, refuse de poser l’APD car le travail progresse trop vite. La surcharge pondérale, l’agitation et la douleur de la mère rendent le RCF du fœtus difficile à capter avec le capteur externe et donc difficile à interpréter : la sage-femme décide de monitorer l’enfant avec une électrode de scalp. La mise en place est rapide, le tracé du RCF est normal.
30 minutes plus tard, le col est totalement dilaté et la patiente ressent l’envie de pousser, la sage-femme décide alors de s’installer pour l’accouchement, la patiente étant difficilement gérable du fait de l’angoisse et de la douleur. Elle arrive tout de même à pousser et la tête fœtale apparaît à la vulve au « petit couronnement » : l’électrode de scalp est alors ôtée. À ce moment, l’enregistrement du RCF montre des décélérations profondes et répétées depuis 5 minutes. Le monitoring externe n’est pas repositionné, la sortie du fœtus étant imminente.
Pourtant, la tête fœtale ne progresse plus pendant 10 minutes malgré les efforts expulsifs. Au bout de 15 min, la sage-femme fait appeler le médecin de garde car la tête est sortie mais il existe une dystocie aux épaules. Le médecin arrive rapidement et réalise une manœuvre de Mac Roberts associée à une pression sus-pubienne. L’enfant naît 2 minutes plus tard, sans activité cardiaque. Il est immédiatement pris en charge par la sage-femme et le pédiatre appelé durant les efforts expulsifs.
Le nouveau-né est alors intubé et ventilé, sa réactivité reste nulle, il est alors transféré en réanimation néonatale. Il décède le lendemain.
L'équipe médicale et les cadres du service ont souhaité une analyse de cet EI grave et choquant pour les équipes de la maternité ; une analyse de risque a posteriori est donc réalisée. La méthode ALARM est retenue.
Monitorage fœtal inapproprié et mal interprété dans un contexte de dystocie des épaules ayant conduit à une anoxie fœtale sévère et au décès.
L'analyse du RCF est fondamentale lors du suivi des patientes en travail : tous les moyens de surveillance possibles doivent être utilisés à bon escient. La connaissance des manœuvres obstétricales doit être régulièrement actualisée car si elles sont rarement nécessaires, leur maîtrise est fondamentale. La simulation constitue un bon moyen de maintenir régulièrement les compétences vis-à-vis de situations rares.
La difficulté à gérer les parturientes agitées et algiques en l'absence d'APD doit augmenter la vigilance car l'attention est alors focalisée sur la communication avec la femme : il ne faut alors pas hésiter à solliciter rapidement l'aide des autres membres de l'équipe afin d'assurer la sécurité de la mère et du nouveau-né.