Monsieur R., 76 ans, consulte son médecin traitant car ses urines sont de couleur rouge depuis plusieurs semaines…
Cet événement a eu comme conséquences :
- une complication post-opératoire prévisible et évitable,
- une prolongation de l’hospitalisation de 4 jours, avec une gestion prévisionnelle des lits rendue difficile au vu des objectifs d’efficience devenus nécessaires pour la pérennité des Etablissements de Santé,
- un traitement antibiotique par voie parentérale onéreux évitable,
- des explications délicates à formuler au patient,
- des équipes paramédicales dans le questionnement, voire la culpabilisation pour ce défaut de contrôle du dossier patient.
Les Responsables de Service de Chirurgie Urologique et d’Anesthésie, alertés par leur confrère respectif et la Cadre de Santé du secteur, ont déclaré l’incident par le biais du système de signalement institutionnel et ont sollicité le Gestionnaire de Risques de la structure pour réaliser une analyse de cet Evénement Indésirable Grave (EIG) et pour organiser une restitution aux acteurs de santé. Les responsables ont décidé de réaliser une analyse afin de comprendre la genèse de cet événement.
Une analyse de risque a postériori est donc réalisée.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Facteurs liés aux patients :
Le patient est arrivé en retard par rapport à l’horaire fixé (un peu plus de 1h15).
De plus, il est arrivé sans avoir réalisé l’ECBU prescrit par son chirurgien et faisant partie des consignes pré-opératoires écrites données au patient.
Le patient est globalement passif dans sa prise en charge. Il se repose sur sa conjointe et les équipes soignantes, et n’est pas très coopérant. Il a reconnu avoir oublié la nécessité de réaliser l’examen bactériologique avant l’intervention.
Facteurs liés aux tâches à accomplir :
La procédure précisant les pré-requis de cette intervention (et notamment la réalisation obligatoire d’un ECBU avant toute intervention chirurgicale en urologie) est écrite et disponible pour tous dans le service d’hospitalisation, au Bloc Opératoire.
Il n’existe pas de check list détaillée permettant le contrôle des éléments nécessaires au transfert du patient au Bloc Opératoire.
La traçabilité informatique du serveur de résultats du LBM a permis d’objectiver la mise à disposition des résultats de l’examen direct à 20h15, alors que son arrivée a été enregistrée à 18h15. Il n’y a eu aucun retard dans la réalisation de l’examen.
Facteurs liés à l’individu (professionnel impliqué) :
On relève de manière générale une Insuffisance de communication entre les équipes :
- le technicien de laboratoire qui a réalisé l’examen n’a pas appelé le service pour signaler le caractère pathologique du résultat du direct,
- l’infirmière d’après midi a oublié de transmettre oralement et par écrit qu’elle avait du faire l’ECBU en urgence à l’arrivée du patient ; elle n’a pas signalé à sa collègue de nuit la nécessité de récupérer les résultats de l’examen direct ; elle n’a signalé l’incident ni à l’interne de garde, ni au chirurgien en charge du patient.
On relève également une insuffisance de contrôle du dossier à nombreuses étapes de la prise en charge :
- au départ pour le Bloc Opératoire : l’infirmière du service en charge du patient n’a pas vérifié la complétude du dossier,
- à l’arrivée au Bloc Opératoire :
Facteurs liés à l’équipe :
Il n’y a pas de problème de communication décrit dans le service. L’ambiance est globalement bonne, mais l’équipe signale des sous-effectifs de plus en plus fréquents, générant des surcharges de travail et des oublis de tâches réguliers.
Le contrôle des dossiers notamment est une tâche planifiée, mais réalisée parfois superficiellement (verbatim de 3 IDE de l’équipe). A la question, existe t-il un double contrôle de ces dossiers des futurs opérés, la réponse est négative.
Facteurs liés à l’environnement de travail :
L’infirmière du service précise qu’il manquait une collègue IDE ce jour là. Elles étaient 2 IDE au lieu de 3 pour 36 lits ouverts et 34 patients présents.
Facteurs liés à l’organisation et au management :
Les sous-effectifs dans ce secteur sont décrits comme réguliers. Décision a été prise de ne plus remplacer toutes les absences comme avant. L’adéquation entre effectifs et charge de travail n’est pas un principe de management habituel pour ce service.
Facteurs liés au contexte institutionnel :
Cet établissement de santé est organisé pour prendre en charge ce type de pathologie.
- une insuffisance de communication entre acteurs de santé : technicien de labo, IDE du secteur d’hospitalisation, …
- une insuffisance de contrôle de manière globale, et à de trop nombreuses étapes du processus de prise en charge : départ pour le Bloc Opératoire, début de prise en charge au BO, …
- une absence de check-list pour le contrôle des dossiers des futurs opérés avant leur départ au BO,
- une politique de management ne prenant pas en compte de manière pérenne la charge de travail pour le dimensionnement des équipes soignantes,
- un patient passif dans sa prise en charge.
L’analyse de cette situation a conduit les professionnels médicaux et paramédicaux à réfléchir sur plusieurs points concernant le process de contrôle des dossiers des futurs opérés.
Les axes d’amélioration préconisés par la gestionnaire de risques, en accord avec les différents acteurs ont été :
Cet exemple concret montre ou démontre une fois encore qu’un système complexe a des faiblesses. L’ensemble des acteurs a commis la même erreur. La non récupération des ces erreurs patentes a eu des conséquences importantes pour le patient, mais également pour le système de soins.
La surveillance clinique et paraclinique du patient dans les suites post-opératoires a permis de traiter la complication infectieuse du patient. Les défenses en profondeur ont donc fonctionné.
Les actions d’amélioration préconisées permettront d’améliorer les organisations, mais celle qu’il ne faut pas occulter est le dimensionnement des effectifs en fonction de la charge de travail.