Cette situation de soins se déroule au cours d’un mois de janvier, pendant le pic épidémique de la grippe saisonnière…
Mr D, 87 ans, est hospitalisé en Unité de Surveillance Continue, orienté par le service des Urgences pour une bronchopneumopathie aiguë sévère chez un patient avec de lourds antécédents cardiaques.
Ce séjour en secteur spécialisé est décidé en accord avec le patient, sa famille et l’anesthésiste-réanimateur en charge du service : l’état du patient est critique, et il est décidé d’initier une Ventilation Non Invasive pour passer ce cap difficile.
Dans ce même service, Mr R, 85 ans, est hospitalisé depuis 2 jours pour une bronchopneumopathie chronique obstructive qui s’est surinfectée. Le germe retrouvé est un streptococcus pneumoniae, très virulent et résistant à de nombreux antibiotiques. Une Ventilation Non Invasive est mise en route depuis 2 jours, mais son état de santé ne s’améliore pas.
Cette Unité de Surveillance Continue est dimensionnée avec 12 lits, et n’est pas adossée à un service de Réanimation. Une convention avec le CHU voisin est pérenne pour tout patient qui nécessiterait un transfert dans ce secteur très spécialisé.
Cette nuit là, les états de santé des 2 patients s’aggravent, et le médecin réanimateur préviendra les 2 familles respectives que leurs défunts ont succombé à leur maladie. Le certificat administratif de Mr D précise que le décès a été constaté à 1h35 et celui de Mr R à 1h45.
Les soins post-mortem sont réalisés par l’équipe soignante. Les 2 heures médico-légales sont attendues avant le transfert des corps à l’amphithéâtre. Les brancardiers ont été prévenus que ces transferts seront à réaliser à partir de 3h45.
Les brancardiers se sont présentés dans le service pour réaliser le transport des corps à la morgue. Les infirmières étant toutes occupées, elles demandent à leurs collègues de procéder sans elles. Les patients étaient prêts, avec les dossiers dans les chambres. Les corps sont déposés dans les cellules de conservation ad’hoc : ils renseignent pour ce faire le registre de l’amphithéâtre et précisent le numéro de tiroir dans lequel sont positionnés les défunts.
Le lendemain, l’épouse de Mr D et ses enfants se présentent très tôt à la morgue, à l’ouverture. Ils demandent à voir le corps de leur père. L’agent leur demande de patienter dans la salle d’attente, prépare le corps, le positionne dans la salle de présentation. Il invite la famille à entrer : la femme de Mr D entre, ne reconnaît pas son mari et perd connaissance. Mme D revient à elle et se met à pleurer. Les enfants questionnent l’agent d’amphithéâtre et demandent si leur père est réellement décédé. Ils sont excédés et manifestent un fort mécontentement. Désemparé, le professionnel de santé appelle le cadre du service qui descend immédiatement avec une infirmière et le responsable médical. Après discussion, consultation des différents documents et examens des autres corps présents, ils constatent qu’il y a eu inversion des 2 patients décédés la nuit dernière dans leur service.
Le médecin et le cadre reçoivent la famille immédiatement et expliquent la situation. Un des fils du défunt précise qu’il fera un courrier à la Direction, car il estime que cet incident ne devrait pas arriver.
La Direction Générale, au vu du courrier de la famille, a demandé à ce qu’une rencontre entre la famille mécontente et le médiateur médical soit organisée. Ce dernier a demandé au Gestionnaire de Risque de procéder à une analyse de cette situation. Le DG a validé cette demande et préconise la construction d’un plan d’actions potentielles qui sera validé lors d’un prochain Comité de Direction.
La méthode ALARM, recommandée par la Haute Autorité de Santé, est retenue.
Erreur d’identité par inversion de patients.
Facteurs de la grille ALARM | Eléments de contexte - Cause identifiées |
Facteurs liés aux patients |
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Facteurs liés aux tâches à accomplir |
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Facteurs liés aux individus (personnel de la structure) |
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Facteurs liés à l’équipe |
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Facteurs liés à l’environnement de travail |
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Facteurs liés à l’organisation et au management |
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Facteurs liés au contexte institutionnel |
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Sur les procédures : la relecture collective de la procédure a permis de confirmer qu’elle était adaptée aux bonnes pratiques et au contexte. Aucun « toilettage » à prévoir.
Sur les pratiques : les soins ont été réalisés conformément aux bonnes pratiques (soins post-mortem). L’erreur porte sur le versant administratif. Le retour d’expérience dans le service, souhaité par les responsables médicaux et paramédicaux a permis d’insister sur la notion de vigilance accrue nécessaire lorsque l’on travaille en mode dégradé.
Sur les transmissions : l’absence de bracelet d’identification aurait dû arrêter la tâche « NO GO » de la part des brancardiers. Pas de contrôle de concordance possible entre bracelet et documents administratifs. Le retour d’expérience a permis de sensibiliser tous les acteurs sur cette culture du NO GO.
Une erreur d’identitovigilance dans un secteur où il n’y a pas de conséquence pour le patient, mais pour la famille.
Dans cette analyse, on constate que les procédures étaient valides et n’ont pas été modifiées.
C’est la charge de travail ponctuellement très lourde qui a influencé et généré ces erreurs humaines. Et pour tous les métiers sans exception. Le mode dégradé, très souvent mis en œuvre dans des contextes extrêmes, est générateur de vulnérabilité. Sa prise en compte doit permettre un environnement plus sécure.