L’erreur dans l’administration d’un gaz à usage médical est considérée comme un événement qui ne devrait jamais arriver, par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) depuis février 2012 (Never Events).
Son utilisation constitue une vulnérabilité et doit générer des précautions systématiques pour éviter toute utilisation mettant le pronostic vital d’un malade en danger.
M. D., 58 ans, est amené en secteur d’urgences par un transport sanitaire paramédicalisé, à la demande du centre 15, pour des douleurs abdominales intenses...
À son arrivée en fin de matinée, M. D. est pris en charge immédiatement par l’infirmier d’accueil et d’orientation (IAO).
Les éléments recueillis sont les suivants :
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L’IAO pose une voie veineuse, prélève en même temps un bilan sanguin (NFS, CRP, bilan hépatique, ionogramme sanguin), administre un gramme de paracétamol, installe le patient dans un box, débute une oxygénothérapie au masque facial à 5 litres par minute, prévient le médecin de la situation clinique du patient… et réalise les transmissions à un collègue infirmier…
Rapidement, le médecin urgentiste réalise un interrogatoire du patient et un examen clinique, et prescrit un abdomen sans préparation (ASP) comme examen d’orientation. Le service d’imagerie médicale précise qu’il pourra prendre le patient dans 15 minutes… Il prescrit 5 mg de morphine par voie sous cutanée pour calmer la douleur du patient. L’IDE administre immédiatement la morphine.
Le transfert du patient vers le service d’imagerie médicale est alors organisé : les brancardiers sont appelés.
L’IDE en charge du patient demande à l’étudiant infirmier de le préparer pour son transfert et lui demande d’amener une bouteille d’oxygène et de la connecter au dispositif d’administration en oxygène… expliquant qu’il doit se rendre auprès d’autres malades mais qu’il reste à son écoute si nécessaire.
L’oxygénothérapie est poursuivie pendant le transport. Le monitorage est débranché car aucune constante vitale n’est relevée pathologique : la SpO2 est à 99 % avec les 5 litres d’oxygène.
Le patient est déposé en imagerie médicale par les brancardiers, en zone d’attente couchée, les secrétaires sont informées de la situation clinique du patient.
Quelques minutes plus tard, les manipulateurs en électroradiologie prennent en charge le patient et, alors qu’il réalise un contrôle d’identitovigilance, ils ont la surprise de n’obtenir aucune réponse, et ce, malgré des stimulations verbales et physiques (questions, patient pris par la main…).
Un des manipulateurs s’aperçoit alors, en faisant un point de la situation, que le masque d’oxygène est en fait relié à une bouteille de Kalinox®.
Le service des urgences est appelé immédiatement, le patient est placé sous oxygène pur, et il commence à se réveiller. L’examen pourra être réalisé. l’IDE reste à ses côtés… et le patient est ramené dans son box.
Les autres investigations cliniques et paracliniques objectiveront une occlusion au niveau de l’intestin grêle (bride), prise en charge rapidement par le chirurgien digestif de garde… il réalisera une coelioscopie exploratrice qui lui permettra de lever l’occlusion.
Le patient sortira 4 jours plus tard, avec des suites simples et notamment une reprise du transit… et une reprise d’activité professionnelle à 30 jours du geste opératoire.
Devant les conséquences de l’événement, à savoir un patient retrouvé inconscient sans surveillance, l’IDE des urgences a réalisé un signalement par le biais du système de déclaration des événements indésirables de l’établissement.
Le président du comité des vigilances et des risques demande que cet événement indésirable (EI) soit analysé, car il fait partie des Never Events identifié par l’ANSM.
L’analyse de cet EI est réalisée par le gestionnaire de risques de la structure. Cette proposition a été acceptée à l’unanimité du comité.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de ce patient : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier… La méthode ALARM est retenue.
Erreur d’administration de gaz médical, Kalinox® au lieu d’O2.
Des conséquences pour le patient
Les conséquences pour la structure de soins
Il est important de mettre en évidence les barrières de défenses qui ont été déficientes.
Lors des discussions au cours de l’analyse collégiale de cet événement indésirable, les différents acteurs concernés ont retenu que certaines barrières de prévention n’avaient pas été mises en œuvre par défaut de réflexion sur le sujet des Never Event… absence de cartographie des risques du secteur...
Le stockage des bouteilles de Kalinox® et d’oxygène est à ce jour bien différencié dans la réserve du secteur des urgences.
Une formation/sensibilisation sur les Never Events est de nouveau programmée par la COMEDIMS. Le retour d’expérience de cet EI montre que la sensibilisation doit être constante dans le contexte actuel des établissements de santé car le turn-over au sein des équipes est important… Les actions "One shot" ne sont pas ou plus adaptées.
Le dossier patient informatisé (DPI) reste l’outil qui permet une traçabilité de tous les actes de soins réalisés. Il permet de suivre et comprendre le parcours du patient. Le service d’imagerie engage une campagne de sensibilisation de leurs professionnels pour que les données médicales soient consultées plus spontanément.
La communication entre équipes soignantes reste un levier important de la sécurité des patients. La méthode SAED, labellisée par la Haute Autorité de Santé, est retenue par la structure de soins comme la méthode à privilégier pour être exhaustif et synthétique dans les transmissions orales. Une action de formation/sensibilisation est retenue par le service Qualité/Gestion des Risques sous un format quick formation pour toutes les équipes soignantes.
Enfin, une réflexion doit être initiée sur les valeurs ajoutées d’une déclaration des EI au sein de chaque secteur pour nourrir leur cartographie des risques qui sera réalisée rapidement (action prioritaire du PAQSS de la structure) > culture de sécurité remise au centre des préoccupations des professionnels de santé. Cette dynamique peut être à l’origine de décisions collectives pour activer certaines barrières de sécurité.
La prise en compte des recommandations de bonnes pratiques doit rester la règle pour toutes les organisations de soins. Les Never Events sont des événements qui ne doivent jamais survenir…
Malgré des campagnes de sensibilisation, ces risques ne sont pas pris en compte par tous…
La communication doit rester une vigilance constante également, aussi bien entre équipes soignantes que dans l’encadrement des étudiants… un manque de précision et surtout un défaut de contrôle des tâches déléguées peuvent générer des risques graves.
Pour aller plus loin
Saed : un guide pour faciliter la communication entre professionnels de santé - HAS
Sécurité du médicament à l’hôpital - Ministère de la santé et de la prévention
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