Les réactions d’hypersensibilité immédiate (HSI) avec les produits de contraste à visée diagnostique sont rares mais peuvent engager le pronostic vital des patients et générer des issues fatales. Des accidents restent évitables en mobilisant les bonnes barrières de prévention et une écoute active des informations données par le patient.
L’échodoppler des troncs supra-aortiques de M. B., 68 ans, demandé dans le cadre d’un bilan vasculaire par son médecin traitant, révèle une plaque athéromateuse carotidienne droite. Un angioscanner est demandé en complément du précédent examen.
Ce patient est orienté par son médecin traitant vers un cabinet de radiologie en établissement de santé pour bénéficier d’un angioscanner des troncs supra-aortiques. Il se déplace sur site pour prendre rendez-vous et il se voit prescrire un produit de contraste : l’ordonnance indique Optiject® 350 ou Optiray® 350, produit à se procurer en pharmacie de ville.
Comprenant qu’il lui a été prescrit un examen d’imagerie injecté, il indique à la secrétaire avoir le souvenir d’une réaction allergique au début des années 2000 après la réalisation d’un scanner injecté dans les suites d’une colique néphrétique… la secrétaire lui précise alors qu’il devra en faire mention le jour de l’examen…
Il rentre donc chez lui avec l’assurance que la situation est sous contrôle…
Le jour de l’examen, il se présente à l’heure indiquée… il est installé dans la salle d’attente "Scanner". Il est pris en charge par un manipulateur radio, qui procède à son accueil, l’installe dans le box de déshabillage, réalise une action d’identitovigilance pour vérifier les informations sur les documents administratifs, et commente avec le patient le questionnaire de santé qu’il a renseigné avec ses antécédents de santé, médicaux et chirurgicaux. Il s’attarde sur la notion d’allergie à l’iode et le patient précise que cette allergie est évoquée dès la petite enfance et lors d’un précédent examen d’imagerie médicale réalisé dans le cadre d’une prise en charge d’une colique néphrétique en précisant que l’on a évoqué de manière générale une allergie aux produits de contraste.
Le manipulateur de radiologie le questionne sur ses habitudes alimentaires… le patient précise qu’il mange des huitres et des fruits de mer… il en conclut qu’il n’y a pas d’allergie à l’iode… élément validé par le médecin radiologue en charge de la vacation…
Il bénéficie, dans ce contexte, de l’angioscanner cervical prescrit avec injection, avec comme produit de contraste Optiject® 350. L’examen est réalisé sans difficulté technique, les images attendues ont pu être numérisées…
En fin de séance, le patient signale un prurit, le manipulateur constate alors la présence d’une éruption maculeuse prurigineuse et observe également des œdèmes des paupières… le patient présente des vomissements et explique qu’il a des difficultés à respirer… une oxygénothérapie est rapidement mise en œuvre après avoir objectivé une dépression respiratoire (oxymétrie à 90 %).
Le médecin radiologue est prévenu immédiatement et conclut rapidement à un réaction allergique… il fait appel à un médecin anesthésiste présent au sein de l’établissement de santé et demande au manipulateur de rapprocher le chariot d’urgences.
Après explications sur la situation clinique du patient et après concertation avec le médecin radiologue, le médecin anesthésiste propose d’administrer 80 mg de Solu-Medrol® par voie intra-veineuse… le tableau clinique va s’améliorer et le patient sera admis en Unité d’hospitalisation de courte durée du service des urgences en surveillance. Il ne sera plus observé de vomissements et la fonction respiratoire est évaluée sans anomalie, avec une oxymétrie de pouls à 98 % en air ambiant. Il quittera la structure de soins quelques heures après son scanner, sans prescription particulière…
De retour à domicile, le patient constate une décroissance progressive du prurit mais la persistance d’une toux sèche…
Quatre jours plus tard, le patient observe une réapparition d’une réaction allergique, avec des macules prurigineuses sur tout le corps et une dyspnée. Il appelle le 15, explique la situation… le médecin régulateur envoie un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) à son domicile… le bilan fait sur place par l’équipe de secours incite le médecin régulateur à proposer un transfert en secteur d’urgences (accepté par le patient).
A son arrivée en structure de soins, le médecin urgentiste prescrit un traitement par corticoïdes, associé à un traitement par Xyzall® : le tableau clinique régresse, le patient est gardé en observation.
Le lendemain matin, il est orienté vers un allergologue qui prescrira la poursuite du traitement initié, avec un traitement corticoïdes à dose dégressive… il demande également un dosage sanguin d’immunoglobuline E.
L’exploration fonctionnelle respiratoire revient normale.
Le laboratoire de biologie médicale rend un taux d’immunoglobuline E à 286 UI/ml, objectivant une réaction allergique.
Il propose également la réalisation de Prick-tests ciblés sur les produits de contraste : Optiject®, Optiray®, Iomeron®, Ultravist® et Visipaque®… seul le test cutané au Visipaque® revient négatif…
Dans les suites du premier épisode allergique, le médecin anesthésiste déclare, en accord avec son confrère radiologue, l’événement à la cellule de gestion des risques de l’établissement de santé par le biais du système de signalement mis en place par la structure.
Le patient a manifesté son vif mécontentement, à l’établissement de santé dans un premier temps, qui a transmis le courrier de M. B. au cabinet de radiologie qui est concerné (il convient de préciser que le cabinet de radiologie est juridiquement indépendant de l’établissement de santé).
Devant les impacts de l’événement, à savoir que les service d’urgences de la structure de soins ont été partie prenante dans la prise en charge de la réaction anaphylactique, le directeur de l’établissement a proposé à l’ensemble des professionnels concernés de faire réaliser une analyse par un professionnel externe et rompu à l’analyse des événements indésirables (EI). Cette proposition a été acceptée à l’unanimité.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de ce patient : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier… La méthode ALARM est retenue.
C’est le patient qui a signalé un prurit, puis une gêne respiratoire à la fin de l’examen d’imagerie médicale. La mise en œuvre d’une prise en charge spécifique a conclu à une réaction anaphylactique au produit de contraste.
Des conséquences modérées pour le patient
Les conséquences pour le cabinet de radiologie
Il est important de mettre en évidence les barrières de défenses qui ont été déficientes. |
Lors des discussions au cours de l’analyse collégiale de cet événement indésirable, les différents acteurs concernés ont retenu que certaines barrières de prévention n’avaient pas été mises en œuvre par défaut de réflexion sur le sujet…
La rédaction d’une procédure de prise en charge d’un patient présentant un antécédent de réaction allergique aux produits de contraste est décidée. Les points suivants seront discutés collectivement :
Autre piste d’amélioration retenue : construire un système de signalement des EI, et surtout organiser leur exploitation, voire leur analyse si l'EI est classé avec un niveau de gravité important. Sans oublier une réflexion collective pour construire une cartographie de risques dans le cadre d’une démarche de gestion de risques a priori.
Pour les patients qui présentent des réactions allergiques sans antécédent, définir une procédure de prise en charge pour anticiper toute récidive potentielle (traitement à poursuivre, avis spécialisé…), et surtout pour organiser un bilan allergologique pour les examens futurs.
ConclusionL’administration de produits de contraste en imagerie médicale est une pratique sécure pour la majorité des patients. Toutefois, les réactions d’hypersensibilité, dont la gravité peut varier d’une simple réaction dermatologique à un choc anaphylactique pouvant mettre en jeu le pronostic vital du patient, méritent que l’on se questionne sur les barrières de prévention à mobiliser. Dans cette dynamique de prévention, il conviendra de mobiliser les ressources au bon moment : le bilan allergologique peut être réalisé bien en amont pour objectiver une allergie potentielle, et surtout déterminer les produits de contraste qui peuvent être utilisés sans risque pour le patient… Les barrières de prévention, pour être performantes, peuvent ou doivent être construites dans le cadre d’une réflexion collective pour une mise en œuvre systématique chaque fois qu’une situation similaire est rencontrée.
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