La communication entre professionnels de santé est un des piliers de la sécurité des soins. Les pertes d’informations constituent des zones de vulnérabilité dans les prises en charge de patient ; les outils proposés par la Haute Autorité de Santé pour bien ou mieux communiquer peuvent constituer des barrières de prévention nécessaires, surtout lorsque les acteurs de santé évoluent dans des contextes de soins différents.
M. P., 68 ans, est hospitalisé dans un service de Soins de Suite et Réadaptation (SSR) dans les suites d’un séjour de réanimation…
Mr P. est hospitalisé dans les suites d’un appel téléphonique au centre 15 pour difficultés respiratoires. C’est son épouse qui, devant un tableau clinique qui se dégrade dans un contexte de Covid, est à l’origine de cet appel. Le médecin régulateur, au vu des informations collectées, décide d’envoyer une ambulance paramédicalisée pour transférer le patient en secteur hospitalier.
À son arrivée à l’hôpital, son état de santé va continuer à se dégrader malgré les soins dispensés et, au 3e jour de son hospitalisation, il va être transféré en réanimation pour mettre en œuvre une oxygénothérapie par technique VNI (ventilation non invasive).
Après une amélioration transitoire, son état de santé va nécessiter une suppléance respiratoire invasive avec une intubation orotrachéale sous sédation-analgésie. Cette séquence durera près de 5 semaines, avec comme fait marquant un arrêt cardio-circulatoire consécutif à un infarctus du myocarde, arrêt qui sera récupéré rapidement.
Après plusieurs semaines de soins, son état de santé s’améliore, il est extubé, bénéficie d’une oxygénothérapie par OptiFlow en secteur de surveillance continue, avant d’être transféré en cardiologie pour bilan de cet infarctus du myocarde.
Les investigations paracliniques objectivent une fonction cardiaque satisfaisante, avec une nécrose myocardique très modérée qui n’impacte pas significativement la fraction d’éjection systolique du ventricule gauche. Les médecins sont donc rassurants…
En revanche, l’examen clinique objective une fonte musculaire importante et l’équipe paramédicale décrit une asthénie majeure : il a beaucoup de mal à faire sa toilette au lavabo seul et il arrive difficilement à marcher avec aide plus de 20 mètres… On peut noter qu’il ne souffre d’aucun trouble cognitif.
Au vu de ces éléments, l’équipe médicale lui propose un séjour en SSR afin de bénéficier d’une prise en charge pluridisciplinaire de médecine physique et de réadaptation (MPR), pour l’aider à retrouver une forme acceptable et un niveau d’autonomie suffisante pour sa vie quotidienne. Cette proposition est retenue par le patient et sa famille, car sa maison ne permet pas une vie de plain-pied, ce qui pourrait compliquer son retour à domicile.
À l’accueil en SSR, le médecin en charge de son programme de rééducation procède à un examen clinique spécifique, un entretien avec le patient, pour définir les exercices à réaliser. Ce dernier bénéficie également d’un programme diététique spécifique, couplé au programme de rééducation.
Les soins sont donc définis et sont axés sur la réadaptation respiratoire, le renforcement musculaire, la ré-autonomisation dans les activités de la vie quotidienne et la prise de traitements de quelques désordres psychomoteurs. Il est convenu avec le patient qu’il y aura 2 séances quotidiennes d’exercices animées à tour de rôle par les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes et les enseignants en activité physique adaptée (APA).
Parmi les exercices retenus, il est programmé par le kinésithérapeute en charge de M. P. la marche avec aide et rapidement, avec les progrès observés, il est proposé la marche lente sur tapis et des séances de vélo de rééducation.
Cette journée commence pour le patient par une séance de renforcement musculaire en gymnase de rééducation, sur tapis de marche. Le kinésithérapeute l’installe sur l’appareil, met le tapis en marche, vérifie sa bonne stabilité, et programme un exercice de 10 mn. Pendant ce temps, il accueille d’autres malades : une nouvelle patiente notamment, accompagnée par un brancardier. Le kinésithérapeute propose à cette malade de s’installer sur une chaise quelques instants… Elle se lève quelques secondes après, s’approche du tapis de marche, regarde M. P. marcher et finalement se rapproche de la tablette de commande et change des paramètres de fonctionnement…
Le tapis accélère brutalement, le patient perd l’équilibre et heurte violemment les barres latérales de maintien… pour finir au sol…
M. P. se plaint immédiatement d’une douleur intense au bras gauche. Il est transféré aux urgences. Le bilan montrera une fracture déplacée de l’humérus… qui sera réduite et ostéosynthésée sous anesthésie générale au bloc opératoire.
Cet incident et cette fracture vont impacter son programme de rééducation. Il reviendra dans le même établissement pour sa rééducation…
Le patient a manifesté son découragement devant sa situation clinique. Il trouve que cet accident aurait pu être évité… avec plus de vigilance.
Devant les impacts de l’événement, à savoir une réhospitalisation en court séjour et la prise en charge chirurgicale du patient, le directeur de l’établissement a proposé à l’ensemble des professionnels concernés de faire réaliser une analyse de cet événement indésirable grave (EIG) par le gestionnaire de risques de la structure. Cette proposition a été acceptée à l’unanimité.
Les données analysées proviennent des éléments recueillis au préalable auprès des professionnels de santé qui sont intervenus dans la prise en charge de ce patient : recueil réalisé lors d’entretiens individuels, analyse de documents, lecture du dossier… La méthode ALARM est retenue.
Dans cette analyse, on définit par convention :
C’est la chute du patient qui a alerté les professionnels de santé présents.
Des conséquences importantes pour le patient
Des conséquences pour la structure de soins
Il est important de mettre en évidence les barrières de défenses qui ont été déficientes.
Lors des discussions au cours de l’analyse collégiale de cet événement indésirable, les différents acteurs concernés ont retenu que certaines barrières de prévention n’avaient pas été mises en œuvre par défaut de réflexion sur le sujet, absence de cartographie du risque…
La communication entre professionnels de santé
Dans cette situation, la communication entre professionnels de santé est le levier sur lequel il convient d'agir.
Le groupe de travail a acté que le fonctionnement de l’établissement en "tuyau d’orgues" n’est possible que si une coordination optimale et efficiente est opérationnelle. Les impacts collatéraux sont obligatoirement à prendre en compte.
Le dossier patient informatisé (DPI)
Le DPI reste l'outil qui permet une traçabilité de tous les actes de soins réalisés. Il permet de suivre et comprendre le parcours du patient.
C'est pourquoi une campagne d’informations/formation sur cette thématique a été retenue au sein de l’établissement, avec les pistes de réflexion suivantes :
Autre axe d’amélioration : les outils pour favoriser une communication simple et synthétique. La Haute Autorité de Santé (HAS) propose cette typologie d’outils. Il reste aux professionnels à réfléchir sur lequel ou lesquels choisir pour permettre une communication efficiente.
Déclaration des événements indésirables
Enfin, une réflexion doit être initiée sur la valeur ajoutée d’une déclaration des EI au sein de chaque secteur pour nourrir leur cartographie des risques qui sera réalisée rapidement (action prioritaire du PAQSS de la structure) >> culture de sécurité remise au centre des préoccupations des professionnels de santé.
Cette dynamique peut être à l’origine de décisions collectives pour activer certaines barrières de sécurité : l’analyse de cet EI a mis en exergue l’absence de verrouillage de l’écran de contrôle du tapis de marche.
Le défaut de communication peut être à l’origine des événements indésirables en santé. Les différences entre professions peuvent constituer des sources d’incompréhension : chaque métier a ses impératifs, ses modes de fonctionnement propres. Il reste important de définir ensemble comment il convient de communiquer pour que chacun puisse avoir accès aux informations de prise en charge du patient.
L’amélioration de cette communication a un impact positif sur les résultats attendus des soins dispensés aux patients. Une connaissance optimale de l’historique médical du malade permet de construire des modèles de prise en charge sécurisés.